Raid sur Bruneval 27 février 1942
Opération Biting
Le rôle des Chasseurs continua au fil de l'année 1941 : patrouilles et accompagnement de convois. Voilà un an que les Chasseurs étaient basés à Cowes lorsqu’ils furent sollicités pour une mission qui concernait
une station radar allemande. La mission principale consistait, pour un commando de parachutistes, de s'emparer de pièces
d'un radar situé sur la côte normande, au niveau de la Valleuse de Bruneval, puis de le détruire.
La mission des Chasseurs était quant à elle de protéger le retour des commandos vers l'Angleterre.
Ci-contre une vue de la Valleuse de Bruneval. Les commandos sont repartis par le fond de la Valleuse, dans
le V ; à droite un peu au-delà de la colline on se trouve au sommet des falaises. C'est là qu'était installé le radar.
Sur la gauche, au fond, on peut distinguer le monument - en travaux pour réparation - construit pour commémorer l'évènement.
La maîtrise de la technologie des radars était
vitale pour les alliés. Un pas important devait être franchi avant
guerre par une équipe française. En effet pour construire un radar
performant il fallait émettre à une puissance importante et sur une
longueur d’onde courte pour pouvoir utiliser des antennes de faibles
dimensions qui pouvaient alors être embarquées sur des navires ou des
avions. Ces longueurs d’onde dans les bandes décimétriques étaient
donc compatible avec la détection d’objets de la taille d’un kiosque
de sous-marin par exemple.
La mise au point d’un tube à vide de puissance, le magnétron, fut
une étape primordiale dans le développement de la technologie des
radars. Ce tube n’avait pas de grille entre l’anode et la cathode
mais un champ magnétique fluctuant. En 1932 Maurice Ponte avait
repris des travaux d’équipes japonaise perfectionnant leurs travaux
pour arriver à un magnétron émettant sur une longueur d’onde de 16cm
et à quelques dizaines de watts de puissance. Le magnétron fut
amélioré avec une cathode à oxyde pour fonctionner à 500 W et 16 cm.
Le 8 mai 1940 Maurice Ponte apporta ce magnétron à Londres dans le
cadre de la coopération franco-anglaise. Ceci permis aux alliés de
gagner probablement 6 mois dans les travaux sur le radar car les
travaux avançaient également en Angleterre et aux USA. Par la suite
la puissance de ces émetteurs passa à plusieurs kilowatts. En
septembre 40 on savait fabriquer des magnétrons de 100 kW et
fonctionnant à une longueur d’onde de 10 cm.
(THE INVENTION OF THE CAVITY MAGNETRON AND ITS INTRODUCTION INTO
CANADA AND THE U.S.A. by Paul A. Redhead)
Les allemands avaient installé sur la côte normande, à Bruneval, un
radar de type Würzburg A. Pour les britanniques il devenait urgent
de connaître l’avancée de la technologie allemande dans ce domaine
pour, entre autres, pouvoir les brouiller efficacement. Le raid sur
Bruneval aussi connu sous le nom d’opération Biting fut mis en place
pour non seulement détruire ce radar situé à hauteur de la falaise
surplombant la Valleuse de Bruneval mais aussi pour rapporter des
pièces de ce radar permettant d’évaluer le niveau technologique des
allemands dans ce domaine. La Valleuse de Bruneval se situe un peu
en dessous d’Etretat au niveau de l'actuel site d’Antifer.
Des reconnaissances aériennes eurent lieu pour déterminer la
position du radar ; des photos obliques furent prises par Tony Hill
qui effectua deux missions, deux jours de suite afin d'obtenir de bons
clichés. Au deuxième passage il obtint le cliché de la grande maison
isolée sur la falaise avec le radar situé juste à côté.
Tony Hill
quelques mois plus tard, le 21 octobre effectua une autre mission,
au-dessus du Creusot cette fois, pour photographier un site industriel utilisé
par les allemands. Il avait, le 20, fait une première passe sur le
site mais n'étant pas satisfait il revint le jour après. Il fut
abattu ce jour là et perdit la vie.
(the Bruneval raid, George Millar)
D’autre part des informations, concernant les installations
militaires, provenant de la résistance française sous la
responsabilité du colonel Renault dit "Rémy", furent fournies aux
britanniques, concernant le personnel allemand présent sur ou aux
environs du site.
Le raid devait consister en des parachutages de commandos ainsi
que d'un spécialiste des radars. Ces commandos devaient, en suivant
les recommandations de l'expert récupérer les pièces importantes du
radar, faire sauter le reste, puis se replier vers la mer où des
navires et des barges les attendraient. C'est dans cette dernière
phase que devaient intervenir les Chasseurs des FNFL.
Le raid fut retardé plusieurs fois du fait du mauvais temps mais ce
soir-là le 27 février 1942, il y avait un peu de vent et le temps
était clair avec une lune qui brillait. La mer était calme. Le sol à
Bruneval était néanmoins couvert d’une bonne couche de neige. Trois
sections de commandos parachutistes furent largués aux alentours du
site vers minuit, ils effectuèrent leur mission en deux heures de
temps avant que les allemands puissent faire intervenir des
renforts. Ils ne rencontrèrent que peu de difficultés excepté le
fait que certains de leurs appareils de communications étaient
partis à la dérive lors de leur largage. Ceci compliqua leur tâche
pour reprendre contact avec les navires chargés de les ré embarquer,
un soldat fut tué et quelques autres faits prisonniers. Ils firent
sur site deux prisonniers qu’ils ramenèrent en Angleterre. Mais ce
n’étaient pas des spécialistes, l’un était dans l’aviation et
l’autre dans l’infanterie.
Une fois l’opération effectuée les commandos, après un moment
d'inquiétude dû au retard des vedettes rapides, embarquèrent vers
2h15 sur des péniches de débarquement ( ALC : assault landing craft)
ou prirent place sur les MGB (vedettes rapides équipées de canons :
Motor Guns Boat), tout ceci sous la pression de l'arrivée des troupes
allemandes. Les pièces du radar et les prisonniers furent ramenées
sur les vedettes rapides à plus de 20 nœuds à Portsmouth, le reste
du convoi revint en même temps que les ALC, ce qui prit beaucoup de
temps, environ 14 heures.
Au retour ils passèrent sous la protection de 4 chasseurs des
FNFL, les Chasseurs 43-Lavandou, 10- Bayonne, 13-Calais et 42-Larmor
ainsi que des destroyers britanniques HMS Blencathra et HMS Fernie
puis vint se rajouter la couverture de la RAF.
(un livre sur le sujet : 'The Bruneval Raid' de George Millar).
"
Dans la nuit du 27 au 28 février 1942 le commandement des opérations combinées dont j'étais le chef, accomplit sa première opération combinée réellement complète.
La RAF largua des parachutistes sur Bruneval d'où ils emportèrent les éléments vitaux de la nouvelle station radar allemande en détruisant complètement celle-ci.
Ils firent ensuite retraite vers la plage, où des commandos protégèrent leur rembarquement dans les péniches. La flotille fut escortée sur le chemin du retour par la Royal Navy et par des Chasseurs des FNFL,
avec une couverture aérienne de chasseurs fournis par la RAF. Nous tirâmes des leçons d'une valeur inestimable de ce raid qui remporta
un franc succès. Mais ce qui rendit possible l'exactitude de sa préparation et de son exécution vint des excellents renseignements fournis non seulement par les photos de la reconnaissance aérienne mais spécialement par la résistance française opérant sur le terrain. Ces informations nous furent procurées par le réseau de renseignements confrérie Notre Dame créé en France par le colonel Gilbert Renault sous le nom de code "Rémy".
Comte Mounbatten de Birmanie
Amiral de la Flotte