Je suis né en 1914 dans une modeste ferme du pays bigouden à Plozévet. J'étais le 7e et dernier enfant de la famille. Je fus rapidement placé par ma mère comme
ouvrier agricole dans une ferme que travaillait mon frère alors que je venais de passer mon certificat d'étude et que j'aurais aimé apprendre un métier.
Cette perpective ne me plaisait guère, le travail était pénible, ingrat et pas motivant pour un sou. J'étais logé dans un coin du grenier sur un
ballot d'avoine. L'hiver il y faisait froid et l'été trop chaud.
A cette époque il n'était pas rare de partir en s'engageant dans la marine marchande ou la marine nationale.
S'engager était un moyen de pouvoir changer de condition de vie et
quitter cet emploi d'ouvrier agricole qui ne me convenait pas du tout. Corentin, un de mes frères plus âgé de 10 ans,
s'était lui déjà engagé et était à ce moment-là quelque part au Maroc.
Finalement en août 1932, j'avais 18 ans, je franchis le pas et je m'engageai dans la
Marine Nationale. Je venais de signer mon engagement et j’en
informai un voisin qui me répliqua que je venais de me « vendre à
l’Etat ». Pas très encourageant mais cela me fit plutôt sourire, ma
décision avait été mûrement réfléchie.
Peu après je me suis retrouvé au 2eme dépôt des équipages à Brest pour
effectuer quelques semaines de formation avant de rejoindre ma
première affectation sur le « Rhin » qui était un bâtiment école,
j’en sorti avec le « grade » de matelot de 1ere classe. Rapidement
je passai sur le « commandant Teste » puis au dépôt de Toulon sur «
le Béarn » qui à l’origine aurait dû être un cuirassé mais qui
pendant sa construction fut transformé en porte-avion.
Le Béarn
Sur le Béarn vers 1934. Je suis debout, le deuxième en partant de la
droite, derrière les cordages. (photo colorisée)
Avec des marins du Béarn 1934-1935. Je suis au centre. (photo colorisée)
Toulon est très loin de la Bretagne et il n’était guère facile d’y revenir pour une permission. Mes moyens financiers étaient faibles et je dû demander une aide à ma mère pour effectuer mon premier retour.
Au bout de mes trois ans d’engagement je remis ça pour trois années supplémentaires. Je fus affecté à la « Provence », un cuirassé, puis sur
la « Trombe » et le « Brestois » qui étaient des contre torpilleurs.
La Trombe
Alors que j’étais sur la Trombe j’ai navigué vers le Maroc,
la Syrie, la Grèce, l’Egypte. Cela a représenté pour moi de belles découvertes, avant mon engagement je n’avais pas quitté
ma région d’origine. Nous faisions régulièrement des excursions lors de nos escales ce qui nous changeait de la routine à bord où l’on passait une bonne partie de notre temps à laver le pont ou à repeindre le bateau pour lutter contre la rouille.
Je suis resté sur La Trombe de mars 1936 à son départ en grand carénage mi-août 1937. Nous sommes d'abord partis via la Grèce :
Argostoli, Patras, le passage du canal de Corinthe que nous avons franchi tout début avril, le Pirée, Tinos et Chio où nous sommes
arrivé le 7 avril 1936.
Puis ce fut Beyrouth et Port-Saïd.
Ayant fait escale à Port-Saïd nous sommes parti en excursion au Caire sur le bord du Nil, au musée du Caire, à cet effet nous avons loué des voitures pour nous rendre sur le site des pyramides.
J'ai acheté cet appareil à Port Saïd à l'occasion de l'excursion; il m'a servi
pour les photos ci-dessus et jusque dans les années 60 !
Le Malin
En mars 1938 je fus affecté au contre-torpilleur Le Malin qui devait se trouver à Brest le 26 février.
Ce sont 9 bâtiments qui devaient participer au contrôle des côtes de l'Espagne
en Méditerrannée : les contre-torpilleurs L'Indomptable, Le Malin, Le Triomphant de la 8e division et les torpilleurs Orage, Ouragan,
Bourrasque de la 4e division et Adroit, Fougueux et Frondeur de la 2e division.
Photo prise en 1938, sur le contre-torpilleur Le Malin. Je suis au centre.
À cette époque la guerre d'Espagne faisait rage.
Au large de l’Espagne on pouvait assister en direct aux bombardements de Valence ou de Barcelone.
Ci-contre les bombardements de Valence ou Barcelone par des avions nationalistes (Franco)
En août 1838, mon deuxième engagement pris fin et je decidai de rentrer en Bretagne. La guerre allait vite me rattraper...
Épilogue