Les raids allemands portaient jusqu’alors sur les ports principaux de Grande-Bretagne, des villes comme Portsmouth avaient reçues leurs lots de bombes. Le 28 mars 1942 l’aviation britannique
avait bombardé la ville allemande de Lübeck sur la Baltique, ce qui avait rendu Hitler furieux. Alors commencèrent les raids
Baedeker ainsi nommés du nom du guide touristique qui avait servi, selon la propagande nazi,
à Hitler pour choisir les villes-cibles. La première attaque de cette série concerna, le 23 avril puis de nouveau le 25,
Exeter. Le 27 au matin ce fut Bath et dans la nuit qui suivi Norwich.
L’attaque suivante concerna Cowes. Elle eut lieu le matin du 28 avril 1942. Sept Messerschmitt attaquèrent, arrivant du sud et firent
deux passages rapides en tirant avec leurs mitrailleuses et lâchant des bombes explosives. Les chantiers J. Samuel White et Saunder-Roe furent
touchés. Ceci n’était que le prélude à ce qui allait se passer une semaine plus tard. Il est probable que ce raid servit également de vol de reconnaissance.
La nuit suivante York puis encore Norwich, la nuit du 29 au 30, furent l’objet de bombardements. Exeter subit une autre attaque dans la nuit
du 3 au 4.
C’est dans la nuit du 4 au 5 mai que survint le bombardement
massif de Cowes par l’aviation allemande. La première vague survint
autour de22h20, le bombardement dura environ deux heures. Les avions
repartirent ensuite vers leur base pour se ravitailler en carburant
et en bombes, pour revenir ensuite effectuer un second raid.
Il y avait à cette période , à Cowes dans les chantiers de J. Samuel
White le Blyskawica. C’était un destroyer polonais qui y avait été
construit quelques années auparavant et qui y était revenu pour des
réparations. Lors de l’attaque, le destroyer fit feu de ses
puissantes pièces de DCA accompagné dans une moindre mesure, un peu plus
en amont de la Medina par les Chasseurs des FNFL. La puissance de feu du
Blyskawica protégea la ville de Cowes et d’East Cowes et rendit le
raid plus difficile pour les allemands en les maintenant à une
altitude plus élevée. Il s’en fallut de peu que le Blyskawica ne puisse
défendre la ville car il venait juste de se réapprovisionner en
munition (Pierre L’Hours).
On eut à déplorer environ 70 morts à Cowes et East Cowes. Il y eut
beaucoup de dégâts, les bâtiments de Marvin’s Yard furent détruits.
S’il faut voir le côté positif des choses on dira que suite à cette
attaque la base fut reconstruite en intégrant les ateliers
nécessaires et les commodités comme les dortoirs ou les douches.
Ce raid du 4-5 mai 1942 fut le plus important qu’eut à subir
Cowes durant tout le conflit.
Les Chasseurs ne furent touchés que par des éclats mais parmi les marins FNFL
on compta un mort, Pierre Guilcher originaire de l'ile de Sein qui s'était engagé dès juillet 1940, il était gabier du Chasseur 8 et avait 21 ans. On dénombra trois blessés dont un grièvement, le cuisinier du Chasseur 8.(source "Documents relatifs à l'histoire des Forces Navales Françaises Libres éditions du Tremen et liste des marins des FNFL).
Le Chasseur 8 devait être coulé peu de temps après. Le 13 juillet 1942 il subit un bombardement aérien au large du cap Lizard (situé en Cornouailles, c'est le point le plus au sud de l'Angleterre). Il devait escorter le sous-marin
le Rubis qui revenait d'une opération de mouillage de mines dans le golfe de Gascogne. Il y
eut 26 victimes et un seul survivant, l'officier de liaison britannique le RNVR Edward Walton, (Royal Naval Volunteer Reserve (RNVR) Officers) .
2-Témoignage Pierre L’Hours :
« La base [Marvin’s Yard] a été complètement détruite, tous nos
ateliers étant construits en bois et datant d’avant la première
guerre avaient bien brûlés. Ils ont été aussitôt reconstruits en
briques et nous avions de beaux ateliers avec un personnel anglais
très qualifié, électriciens, forgerons, soudeurs, mécaniciens et
tous très aimables. »
« Le [Chasseur] 10 n’était pas à Cowes la nuit du 4 au 5 mai 1942.
Lors du raid il était à Woolston près de Southampton et nous
couchions au Sailors’ Home à Southampton (Oxford Street).
Moi, j’étais en permission à Cowes et je résidais avec la famille de
ma future épouse à Artic Road, la rue qui menait à la base. Durant
le bombardement une bombe est tombée à environ 20 mètres de notre
maison ! Nous avons eu de la chance… je suis allé à la base le
lendemain matin couvert de poussière pour rassurer le commandant de
la base et lui dire que j’étais indemne. »
La bombe avait frappé le 35 Artic Road, proche de la maison où se situait Pierre l'Hours, d'un coup direct durant le bombardement. Le famille Varney fut
tuée. Ci-dessous, à gauche, la photo de la rue « Artic Road » avec une vue sur
le cratère, la maison en question est la première avant le cratère
sur la droite. Artic Road est la rue qui passe juste au-dessus de la base. Cette
photo a fait l'objet d'une parution dans le Toronto Star Weekly peu après les
bombardements, le 13 juin 1942 en page 8.
une photo d'Artic road après le bombardement.
A gauche A droite, Artic Road de nos jours (photo Google Earth).
La couverture du Toronto Star Weekly
3- Extraits de journaux français de l'époque
Dans les jours qui ont suivi on pouvait lire dans les journaux français, parmi d'autres
opérations, quelques entrefilets concernant ce bombardement :
Le Figaro du 7 mai 1942:
LA LUFTWAFFE attaque EASTBORNE ET COWES
Berlin 6 mai. — Le haut-commandement des forces armées communique :
À l'entrée de la Manche, des mouilleurs et des dragueurs de mines
allemands ont repoussé, dans la nuit du 3 au 4 mai, une attaque
effectuée au canon et à la torpille par des vedettes rapides
britanniques contre un convoi allemand. Une vedette ennemie a été
endommagée.
Des navires patrouilleurs allemands ont abattu, dans la journée du 4
mai, deux bombardiers britanniques.
Des avions de combat légers allemands ont attaqué de jour des
installations ferroviaires dans la ville côtière
anglais d’Eastborne.
L'aviation britannique a perdu, hier, au-dessus des eaux de la
Manche, dix-huit appareils par suite de l'action des avions de
chasse allemands et de la D. C. A. du Reich.
Des formations importantes d'avions de combat allemands ont lancé,
au cours de la nuit dernière, des bombes explosives et incendiaires
sur la base navale anglaise de Cowes.
Des bombardiers britanniques ont effectué au hasard, la nuit
dernière, des attaques aériennes contre des petites villes sans
défense et des communes rurales, en Allemagne du sud et du
sud-ouest, ainsi que contre des quartiers résidentiels à Stuttgart.
Un avion anglais a été abattu.
Raid de la R. A. F. sur Stuttgart
Londres, 6 mai.. — Communiqué du ministère de l'Air :
De puissantes formations de bombardiers britanniques ont survolé la
nuit dernière, le sud de l'Allemagne. Parmi les objectifs, se
trouvait la ville de Stuttgart.
D'autre part, une formation d'appareils « Sflrling » a bombardé
Pilsen.
Des Chasseurs ont attaqué des aérodromes en France.
Des appareils du commandement côtier ont attaqué des navires au
large des côtes de Hollande et de Norvège et ont bombardé
l'aérodrome de Mandal.
Trois bombardiers sont manquants.
Le Figaro du 8 mai 1942
Berlin. 7 mai. — Le haut commandement des forces armées communique :
Dans la nuit du 4 au 5 mai, des forces navales légères du Reich,
opérant dans la Manche, ont rencontré cinq
destroyers britanniques, dont quelques-uns ont été endommagés par
des obus.
Des avions de combat légers allemands ont attaqué, dans la journée
du 5, la ville côtière de Folkestone, où
des installations ferroviaires et des usines ont été bombardées.
Des appareils de combat légers de la Luftwaffe ont effectué, le 5,
de jour et de nuit, des vols de reconnaissance au-dessus de la
Grande-Bretagne. Ces vols ont permis d'établir que les derniers
raids de l'aviation allemande contre les villes anglaises de Cowes
et d'Eastbourne ont sérieusement endommagé les objectifs militaires
pris pour cibles dans ces deux localités. Les dégâts ont été
particulièrement importants à Cowes.
Des bombardiers britanniques ont effectué au hasard, dans la nuit du
5 au 6 mai, des attaques de harcèlement contre l'Allemagne du Sud.
Quelques bombes lancées sur le petites villes et des communes
rurales ont causé des dégâts peu importants.
La chasse de nuit et la D. C. A, ont abattu trois des bombardiers
assaillants.
4-Livres, liens
Adrian Searle : Isle of Wight at war 1939-1945 publié en 1990
Bruneval