Amiral Platon
1- récit Henri Sclaminec (à la recherche de l'amiral
Platon)
En mai 1940 l’avancée des troupes allemandes dans le nord de la
France est irrésistible, les 24 et 25 mai Hitler ordonne à ses
troupes de stopper leur avance vers Dunkerque, le 26 l’ordre inverse
est donné ; ces journées permettront aux troupes alliées de se
repositionner autour de Dunkerque et de résister pour permettre
l’embarquement des troupes vers la Grande Bretagne: il s'agit de l'opération Dynamo; l’évacuation des
troupes britanniques puis françaises, de Dunkerque vers Douvres,
commence ce 26 mai pour se terminer le 4 juin au matin.
Dès lors l'ordre sera donné par l'Amirauté, aux amiraux Abrial et
Platon, d'évacuer Dunkerque et dans ce but deux vedettes rapides
allaient leur être envoyées depuis Cherbourg.
"C’est le 3 juin que nous avons reçu l’ordre d’effectuer une mission
depuis Cherbourg pour aller rechercher l’amiral Abrial et le
contre-amiral Platon. Ceux-ci avaient l’ordre de quitter Dunkerque
avant que les Allemands n’envahissent la ville. Nous devions partir de
Cherbourg avec deux vedettes rapides. L’une devait récupérer
l’amiral Abrial et la nôtre le contre-amiral Platon. Nous devions pour
notre part aller d’abord à Douvres pour vérifier que le
contre-amiral Platon n’y était pas déjà suite à l’évacuation en
cours, et si on ne l’y retrouvait pas filer sur Dunkerque pour
essayer de le ramener. Il faut rappeler la désorganisation qui
régnait à cette date dans l’état-major français et tous les
problèmes de communication qui pouvaient exister.
Nous n’avons pas trouvé trace du contre-amiral à Douvres et notre
commandant a donc pris la décision de repartir vers Dunkerque. Nous
sommes arrivés à proximité d’une plage non loin de Dunkerque,
lorsque nous avons vu un militaire se jeter à l’eau et nager vers
nous. En arrivant à hauteur du bateau il nous a immédiatement fait
savoir que les allemands étaient rentrés dans la ville et qu'il fallait
partir le plus rapidement possible et que ce serait de la plus pure inconscience
de vouloir pénétrer dans le port.
Il nous fit remarquer que si
Platon n’avait pas encore quitté Dunkerque alors il devait avoir été
fait prisonnier. Il voulait bien entendu monter à bord mais le
commandant s’y opposait du fait que ce n’était pas prévu dans la
mission. Nous avons tous protesté et indiqué que nous ne
repartirions pas sans lui. Finalement sous la pression des
évènements ... et de la nôtre le commandant a accepté de laisser
monter le militaire à bord. On n’a pas demandé notre reste et on a
filé illico presto vers l'Angleterre. Peu après on devait se
retrouver à Southampton puis à Hythe à la British Powerboat Company
où les VTB avaient été construites. Je n'ai jamais su ce qu’est devenu par la suite le
militaire que nous avions embarqué."
L'Amiral Platon
"Pendant toute la guerre je n’ai rien su du parcours de l’Amiral Platon ;
ce n’est que plus tard que j’ai appris le déroulement des évènements. En fait l’Amiral
Platon était déjà parti de Dunkerque vers minuit le 3 ; il ne s’était pas rendu à
Douvres mais avait pris la malle « Newhaven » et il avait accosté à Fokelstone
le 4 vers 7h20. On s’était donc croisé. La suite ne m’avait guère enchanté, sachant qu’il
s’en était fallu de peu que l’on ne soit fait prisonnier."(Henri Sclaminec)
L’Amiral, après quelques pérégrinations, s’était retrouvé à Vichy dans le gouvernement
Pétain comme secrétaire d’Etat aux Colonies où son zèle pro-allemand et son
anglophobie seront remarqués à tel point que Pétain l’écartera de son gouvernement.
Il a été dit qu’une maladie cérébrale, contractée durant un voyage dans les colonies,
l’aurait vu revenir changé et aurait modifié son comportement générant cette
frénésie de collaboration. Le 28 août 1944 il sera fusillé par les FTP
(page 218 Le Vice-Amiral Platon ou les risques d’un mauvais choix de Jean-Marc Van Hille
PyréGraph))
2- Les VTB 25 et 26
L'Etat major de la marine qui s'était replié à Cherbourg,
décida d'évacuer les
amiraux Abrial et Platon de Dunkerque avant que les allemands ne
s'emparent de la ville. A cet effet il envoya deux vedettes rapides,
les VTB 25 et 26, avec pour objectif de les ramener sur Cherbourg.
La VTB 25 récupéra l'Amiral Abrial à Dunkerque et repartit vers
l'Angleterre.
La VTB 26 quitta Cherbourg, se rendit dans un premier temps à
Douvres n'y trouva pas le contre-amiral Platon, puis le matin du 4
juin 1940 partit vers Dunkerque pensant qu'il y était encore. Ce
fut un échec les allemands ayant déjà pénétré dans la ville et la
VTB 26 repartit vers l'Angleterre.
Selon certaines sources la VTB 26 se serait rendu ensuite, après
Dunkerque, le 4 juin dans la nuit, à Clacton qui se situe sur
l'estuaire de la Tamise. Il est donc possible que la VTB 26 après
Dunkerque soit revenue à Douvres et qu'elle ait été déroutée vers
Clacton-on-Sea. En tout cas on retrouvera la VTB 26 mi-juin à Hythe là où
elles avaient été construites. Elle s'y retrouvera fin juin 1940
avec les VTB 8,12,23,24,25 et 27.
Les VTB 25 et 26 saisies par les britanniques, changeront de nom
pour devenir les MGB 52 et MGB 53. Elles seront affectées à la 4eme
flottille de MGB (Motor Gun Boat) et seront basées à Weymouth en 1941
et 42.
3-Récit Pépin-Lehalleur
On trouve dans "Les rebelles de la Combattante" d'Eddy Florentin
le récit de Jacques Pépin-Lehalleur qui décrit son arrivée à Hythe en juin 40
ainsi que son engagement dans les Royal Navy. Il était le commandant
de la VTB 23 et non de la VTB 26 mais son récit vient rejoindre
celui de cette dernière.
La VTB 23 était à Cherbourg le 19 juin à 7h20, son commandant en
était l'E.V. Jacques Pépin-Lehalleur. Il appareille pour
l'Angleterre avec les VTB 11 et 12. Il accostera à 12h20 à Hythe
dans les chantiers de la British Power Boat Company, là où les
vedettes avaient été construites.
"Et les trois vedettes de Cherbourg retrouvent les vedettes sœurs
que les dégâts subis à Dunkerque avaient conduites, elles aussi
jusqu'au berceau de leur naissance."
« j'avais appris, aux chantiers de Hythe, le 23 juin, l'armistice,
avec stupeur et consternation. Sans vouloir entrer dans le détail,
ni tenter de justifier mon comportement, je décide aussitôt, de
concert avec quelques officiers et marins des vedettes venues de
Cherbourg ou de Dunkerque, de chercher à m'engager dans la Royal
Navy.
Nous n'avons alors pas connaissance de l'Appel du 18 juin. Comme
je parle bien l'anglais, et que les autorités navales locales me
connaissent personnellement (je fréquente les chantiers de la
British Power depuis novembre 1939), la Royal Navy nous incorpore
sans difficultés.
Quelques jours après le triste épisode de Mers el-Kébir, quatre
enseignes de vaisseau, dont moi-même, et une douzaine de marins sont
donc emmenés à la base navale de Portsmouth pour les formalités
d'incorporation. On nous délivre les effets d'habillement, un
pay-book ou livret de solde. Aucune prime spéciale ne nous est
versée, contrairement à ce que prétendra la propagande de Vichy.
Je deviens alors le lieutenant de vaisseau J. Tichborne, Royal
Navy. Nous devons, en effet, servir sous un pseudonyme à consonance
anglaise, Hitler ayant menacé de faire fusiller les militaires
français servant en Angleterre en cas de capture.
Nous serons d'abord affectés à HMS Osprey à Portland : un
établissement d'instruction destiné à former les officiers et
opérateurs d'Asdic, le système de détection des sous-marins.
Au carré de l'Osprey, nos camarades britanniques nous réservent un
chaleureux accueil qui nous procure le meilleur bien. Et déplorent,
fort sincèrement, je le crois, Mers el-Kébir. »
4-Pérégrinations des VTB de Cherbourg vers Dunkerque et Hythe
On peut à partir de ce témoignage et de divers livres, des
informations données par Henri Sclaminec, reconstituer le trajet des
VTB dont la 26, partie à la recherche du contre-amiral Platon ( le numéro 26 de la deuxième VTB est une déduction de ma part, pas une certitude).
- Les VTB 25 et 26 partent, le 30 mai, de Hythe pour Cherbourg
(Richard Brooks: Secret Flotilla)
- Les VTB 23 et 24 repartent de France pour Hythe pour réparation
((Richard Brooks Secret Flotilla)
- La VTB 25 part de Cherbourg vers Dunkerque le 3 juin au matin(source : Le
Vice-Amiral Platon) à la recherche de l'amiral Abrial.
- La VTB 26 part de Cherbourg vers Douvres le 3 juin au matin
(Henri Sclaminec) à la recherche de l'amiral Platon
- Le 3 juin au soir la VTB 25 fait avec l’Amiral Nord (c’est-à-dire
l’amiral Abrial commandant la région Nord) une tournée d’inspection
puis file vers Douvres. En chemin ils perdent l’usage d’une hélice
puis la deuxième et se font remorquer par le destroyer Malcolm.
- Le 3 juin vers minuit le contre-amiral Platon part de Dunkerque
par la malle Newhaven et arrive le lendemain matin à Folkestone.
- Le 4 juin au matin la VTB 26 arrive au large des plages de
Dunkerque à la recherche du contre-amiral Platon et est informé par
un militaire qui les rejoint à la nage que les allemands sont dans
la ville. Après tergiversation du commandant la VTB 26 embarque le
militaire et quitte les lieux. (Henri Sclaminec)
- La vedette se rend alors à Southampton (1).
J'avais au début des années 2000 posé la question suivante à mon pére :
- Vous êtes donc partis de Cherbourg à Dunkerque ?
- Non, nous sommes d'abord allé à Douvres puis nous sommes partis vers Dunkerque.
- et ensuite ?
- Southampton.
- Plus tard la VTB 26 est transférée à Hythe (Southampton) dans les
chantiers de la British Power Boat Company.(Les rebelles)
- Le 16 juin la VTB 23 rentre à Cherbourg (Les rebelles de la
Combattante)
- Le 19 juin la VTB 23 quitte Cherbourg en compagnie des VTB 11 et
12, sous le commandement de Jacques Pépin-Lehalleur pour se rendre
en Angleterre et est informée de se rendre à Southampton et va en
fait à côté, à Hythe au British Power Boat Co. La VTB ira aussi à
Hythe.(Les rebelles de la Combattante ).
- Le 22 juin, à Hythe, les vedettes sont privées de récepteur et
de leur magnéto par les britanniques. (Les rebelles de la Combattante p118)
- Au 25 juin les VTB 8, 12 (celle qui part avec la 23), 23 (celle
de Jacques Pépin-Lehalleur) ,25 (celle qui a ramené Abrial de
Dunkerque) , 26 (celle qui devait ramener Platon) et 27 (qui n’avait
pas encore été livrée à la France) sont répertoriées comme étant à
Hythe(au British Power Boat CO qui les avaient construites). Elles
seront saisies par les britanniques lors de l’opération Catapult.
- Le 2 juillet l’opération Catapult allait être déclenchée par les
britanniques et verrait la saisie par ces derniers de tous les
navires de guerre français présents dans les ports anglais.
- Le 3 juillet les britanniques soumettent la flotte française
mouillée à Mers el Kébir à un ultimatum lui intimant l'ordre soit de
se saborder soit de se rendre aux Antilles ou aux USA sous le
contrôle des britanniques. Devant le refus français, la flotte
britannique ouvre le feu sur les navires français. Les dommages sont
considérables surtout sur le "Bretagne" qui verra périr 1200 marins.
A Alexandrie les choses se passent mieux et un accord est trouvé
entre britanniques et français au sujet de la flotte française qui y
est stationnée.
- Le 15 juillet les 4 enseignes de vaisseaux et une douzaine de
marins dont Henri Sclaminec partent à la base navale de Portsmouth
et s'engagent dans la Royal Navy sous un nom d'emprunt du genre Peter Smith(2).
(1)Sur le site il est fait réference
à la VTB 26 dont voici un extrait :
" Le 4 juin à 18h20 l’aviso Amiens reçoit l’ordre d’aller à la
recherche de la VTB 26, sous les ordres de l’Epervier et en
compagnie de l’amiral Mouchez, et de la remorquer. La VTB 26 est
annoncée le soir du 4 à Clakton ( je suppose Clacton-on-Sea dans
l’estuaire de la Tamise).
Le 4 à 14h50, l´Amiens lève l´ancre pour escorter les malles
qui ont mouillé dans son voisinage. A 18h30,
il reçoit l´ordre de l´Amiral Savorgnan de Brazza de se placer sous les ordres
de l`Epervier avec l`Amiral Mouchez pour rechercher et remorquer la VTB 26.
Dans la nuit le groupe est informé de l´arrivée de la VTB 26 à Clakton".
Y a t-il une erreur sur le numéro de la 2ème VTB ? peu-être. Je pense que si la VTB, partie à la recherche de l'Amiral Platon
avait fait un détour par Clacton-on-Sea mon père me l'aurait indiqué, ceci dit c'était aussi plus de 60 ans après les faits
que nous avons eu cette conversation.
(2) Mon père m'avait, il y a très longtemps, donné le nom utilisé mais je ne m'en souviens plus. Je ne suis pas certain, s'il avait été fait prisonnier,
que cela ait fait illusion, mais en tout cas il n'y aurait pas de trace de son nom réel dans les registres de
l'Amirauté ! Il y avait des craintes parfaitement fondées de représailles sur sa famille
en France. En fait, sans nouvelles de lui, il fut bientôt considéré comme disparu par ces derniers.